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23/10/2013

[Focus] Jimmy Edgar, Mad Kid Mad City



Pourquoi Jimmy Edgar est-il l'un des plus grands artistes de la musique électronique contemporaine? Héritier de Kraftwerk, Prince et Aphex Twin. Enfant de Detroit, du Funk, de la Techno et du R'n'B. Continuité de la Motown, Dance Mania et Underground Resistance. Personnalité hautement spirituelle et déroutante. Ultra proflique. Technologique et Sexy. Jimmy Edgar, c'est tout ça...

Depuis ses débuts sur le label Warp, celui que l'on a eu la chance d'interviewer en 2010 ne cesse de nous fasciner. A l'heure où il crée son propre label, Ultramajic, il nous parait d'autant plus nécessaire de retracer dans les grandes lignes le parcours de celui qui n'a pas son pareil pour délivrer une musique cosmico-érotico-robotique tirée d'une B.O d'un film de Paul Verhoeven. Avec, pour l'occasion, un visuel signé par le très talentueux Pierre Thyss. Ainsi qu'un mix spécial conçu par mes soins, accès sur les diverses facettes de sa musique (en écoute plus bas). Une démarche de focus que nous ferons dorénavant plus souvent.

Influencé principalement, comme il le dit lui même, par la Techno de la Motor City, de Juan Atkins à Derrick May en passant bien évidemment par Carl Craig, Edgar est toujours à mi-chemin entre ladite musique technologique dans toutes ses largeurs et des sonorités plus funky et délurées. Avec une spiritualité intense, tout son travail étant inspiré par diverses visions cosmiques, comme en atteste son premier album schizophrénique "Kristuit Salu Vs. Morris Nightingale", sorti en 2002 (alors qu'il n'a même pas encore vingt ans), réunissant deux de ses alias de l'époque (l'autre étant Michaux), et signé sur le défunt label de Miami Merck (où il rencontre son alter-égo Travis Stewart alias Machinedrum). Un condensé d'Electronica glitchée et expérimentale assistée par ordinateur qui l'amène à être repéré rapidement par l'éminent label de Sheffield, meilleur tête chercheuse de ses vingt dernières années, cela dit en passant. S'en suivent deux EP's en 2004 et 2005, "Access Rhytm" et surtout l'immense "Bounce Make Model", mélange toujours inégalé entre Prefuse 73 sous acide, Timbaland et Squarepusher. Avec, en tête, l'obsédant "I Wanna Be Your STD" (sélectionné pour les 20 ans de Warp comme un des dix meilleurs morceaux publié par le label). Et un album en 2006, "Color Strip", manifeste personnel Pop et futuriste se permettant presque toutes les audaces, de la House à l'Electronica, mais resté assez incompris.
Ces trois sorties affirment également les obsessions visuelles du jeune homme au look androgyne et crépusculaire, qui signe lui même la plupart de ses pochettes et photos de presse, entre autres travaux photographiques à l'esthétique lynchienne qu'il réalise alors pour diverses revues de modes (le cinéaste américain étant une de ses autres influences majeures). Lui qui reste cet enfant du Michigan traumatisé par le personnage mystérieux et sexuellement troublant de Audrey Horne dans Twin Peaks.

Annoncé à l'époque comme le futur petit génie de sa génération, il passe ceci dit l'autre moitié des années 2000 hors des radars, après son départ de Warp pour cause de divergences artistiques. Il alterne ainsi side-projects souvent (très) inspirés, comme le funky et robotique Her Bad Habit ("I Don't Know (What You're Doing To Me))", 2008, Citinite), les plus sombres Noir Friction et Creepy Autograph ou encore X District ("Color Correction", 2007, Playhouse). Il effectue également des morceaux singuliers et quelques remix, mais pas toujours du meilleur goût (comme cet affligeant rework de Michael Jackson qu'on préfère oublier).

Fervent amateur de synthétiseurs, modular et autres sonorités analogiques, dont il possède une jolie collection (voir son interview pour KOMA Elektronik), il fait son retour en grâce via le LP "XXX", sorti en 2010 chez !K7. Riche en vocaux susurrés et en nappes de synthétiseur sentant bon la sueur, ce dernier est un sommet de musiques lubriques et technologiques inspiré par les tensions sexuelles (à l'image du single "Hot Raw Sex"). Et qui (ré)affirme au passage son affection pour le R'n'B (on y entend pour la première fois une certaine Azealia Banksdésormais en roue libre). L'album renoue ainsi avec toute la maestria du presque trentenaire désormais installé à Berlin. Un détachement à sa ville natale qui n’entame en rien son art, et qui semble même être un nouveau départ. Il produit également en amont quelques morceaux pour le crooner Theophilus London sur son EP "This Charming Man" en 2009. Passée assez inaperçue, cette réunion hautement pertinente s'avère pourtant très efficace mais jamais rééditée pour l'heure, hélas, surtout quand on connait la suite de la carrière du new-yorkais, plus terne et relativement putassière. Le potentiel tubesque des productions de Jimmy étant évidente, son désir de travailler avec des artistes de haut rangs du type Ciara ou Cassie n'est pas un mystère non plus, pour lui qui a grandi avec les clips R'n'B de MTV dans les années 90.

Ce batteur et pianiste d'origine (douze ans de pratique) signe également en parallèle quelques EP's de choix et plus orientés binaire, comme celui sorti sur Glass Table, "Hush", merveille absolue de Techno lente et outrageusement sexuée. On notera aussi des collaborations avortées, comme celle avec le magicien de la 808 Egyptian Lover, une autre de ses influences majeures, n'en ressortent malheureusement que trois morceaux épiques diffusés sur le tas via Soundcloud.

En pleine lancée, l'an passé, "Majenta" (2012, Hotflush), et sa pochette en hommage à Stanislaw Fernandes (artiste responsable d'artworks pour le groupe de Funk Enchantement ou le magazine scientifique Omni) synthétise merveilleusement toute l'étendue de ses talents, et comprends quelques grands morceaux électroniques, comme l'épique "In Deep" , le troublant "Heartkey" ou le single post-princien "This One Is For The Chuldren". Il apparaît également aux côtés de la chanteuse Emika, le temps d'un superbe morceau de Pop/Funk sadomasochiste ("Hit Me", 2012, Ninja Tune). Sa proximité avec le new-yorkais Machinedrum fait également des merveilles. Leur projet commun, JETS, marque la quintessence de leur créativité. Avec un EP signé chez Leisure System et un mix épique pour le magazine FACT. Les deux complices arrivent en effet à mixer toutes leurs influences respectives pour un résultat merveilleusement bien senti et en avance sur son temps, forcément.

2013 est, pour l'heure, une année très chargée pour le néo Berlinois, qui signe de nombreux remix, domaine où il excelle plus que jamais. Notons, par exemple celui réalisé pour le duo Letherette ("Restless", Ninja Tune), dont l'absolue et jouissive modernité illustre parfaitement toute la maestria de ce golden boy touche-à-tout. Ou celui pour Skream ("Rollercoaster", Ammunition), implacable relecture vocodée et riche en basse. Ou bien encore "Interacial Booty Call" de Jesse Perez, remanié à la manière d'un DJ Deeon surexcité. Enfin, son propre label, Ultramajic, crée il y a quelques mois, fortement orienté Techno et à l'esthétique ésotérique, est ainsi un juste retour à ses premiers amours. Les premières sorties, dantesques et terriblement musclées, de Aden ( l’énorme"Whip") et Jimmy himself (avec l'imparable dancefloor anthem"Strike"), et celles, promises, de Machinedrum, nous font déjà transpirer comme jamais.

Fort d'une réputation scénique hyper solide et inaltérable, autant en DJ Set (son dernier passage enregistré lors d'une Boiler Room à Montréal est assez démentiel) qu'en Live (muni de synthétiseurs et autre talk-box), le kid de Detroit délivre systématiquement des sets extrêmement puissants et atypiques capables d’ensorceler les foules partout autour du globe. Résumant raisonnablement 20 ans de Dance Music bigarrée, de la noirceur de Dopplereffekt au groove fou de Parliament.

Insaisissable et unique, affinant son art de plus en plus (parfaite synthèse entre le digital et l'analogique), Edgar semble continuer son chemin de la meilleur des manières possibles. A l'heure où cet artiste complet loue les vertus de la méditation en évaluant la portée chamanique de son travail de DJ (propos d'une grande lucidité), et où les grands médias préfèrent encenser des artistes fluets et dénués de talents, son oeuvre, encore naissante mais déjà bien fournie, mérite donc les unes les plus unanimes. Au delà de notre théorie initiale sur le génie de cet artiste, n'est-ce pas, finalement, le sort le plus logique de toutes musiques dites underground d'être un temps oubliées mais finalement adulées? Lentement mais surement...

LISTEN/DOWNLOAD:



Artwork réalisé par Pierre Thyss.

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