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05/12/2013

[Focus] Robin Hannibal - De l'Ombre à la Lumière




Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez certainement déjà entendu sa musique. Robin Hannibal, c'est le parfait homme de l'ombre, à l’élégance rare, autodidacte, extrêmement prolifique de surcroît, qui apporte systématiquement une intense dose de groove à tout ce qu'il touche. Ce natif de Copenhague, que nous avions eu la chance d'interviewer à deux reprises ces dernières années, se cache ainsi le plus souvent derrière divers projets et duos tous aussi succulents les uns que les autres, mettant toujours en avant des voix rares et précieuses. Cette année, il a produit deux des albums qui nous ont le plus touché, à savoir "Woman" de Rhye et "Avalanche" de Quadron. Tous deux d'absolus joyaux de Pop et de Soul Music contemporaines, rien que ça. Voilà qui méritait donc amplement un Focus détaillé sur le parcours de cet artiste hors normes. Précisons qu'il a une nouvelle fois accepté de répondre à quelques questions, dont les réponses agrémentent le texte ci-dessous. Avec, une fois encore, un artwork signé par notre ami Pierre Thyss et un mix réalisé par Onelight, regroupant inédits, productions et remix divers histoire d'ambiancer votre lecture...

"Je suis passé par à peu près tous les stades en l'espace de dix ans. J'ai commencé par écouter de la musique puis collectionner des tas de disques, ensuite je suis devenu DJ, puis j'ai commencé à programmer, jouer, produire, écrire et enfin arranger des morceaux. Et je suis toujours à la recherche de nouvelles sonorités, de styles différent, c'est ce qui me permet d'avancer."
R.Hannibal

Lui, qui cite autant Johnny Cash, Arthur Russel que Jay Dee comme ses principales influences, est un réel touche à tout doté d'un sens du groove ultime. Où comment mélanger avec modernité 50 ans de musiques noires américaines et de Pop classieuse. Avec, en prime, une recette simple mais irrésistible faite à base de refrains catchy et de mélodies gracieuses.

Tout commence véritablement en 2005, année durant laquelle il produit le premier album éponyme du collectif Boom Clap Bachelors, véritable nébuleuse scandinave autour de laquelle gravitent tous ses proches collaborateurs, de la chanteuse Coco au producteur/chanteur Ronni Vindahl. Condensé de musique post-Jay Dee entre Soul, Hip Hop et Pop, chanté à moitié en anglais et en danois, ce long format annonce déjà clairement la couleur d'une musique libre et avant-gardiste, ainsi que les velléités "popisantes" de son auteur. Il est ensuite aperçu sur la compilation du collectif danois Nobody Beats The Beats, grâce à laquelle il rencontre un certains Philip Owusu (lui aussi auteur d'un titre sur ladite compilation), avec qui il oeuvre sur ce qui restera probablement l'un des plus beaux albums des années 2000, "Living With" (Ubiquity, 2006). Précédé par un single inclassable et jouissif ("Delirium", Ubiquity, 2005), on retrouve sur cet album une musique home-made innovante aussi sensible qu'infiniment groovy, à la modernité sans faille, mélange parfait entre les accords serrés de Prince, la fatalité de Michael Jackson, la grâce de Stevie Wonder et la folie de Sa-Ra Creative Partners. Un vrai coup de maître, en somme. Owusu & Hannibal se font ainsi remarquer par les plus fines oreilles de la planète, notamment celles de Gilles Peterson, Morgan Geist (qui a œuvré sur un superbe remix du titre "Delirium") ou encore Trevor Jackson.

Il fait ensuite un passage à Berlin, où il enregistre l'album IOU, avec la chanteuse Caroline Ekström. Jamais sorti officiellement (ce qui reste assez incompréhensible), cet opus est pourtant une petite merveille mêlant influences 80's et 70's avec une classe folle et intemporelle. Et aurait mérité un bien meilleur sort. Toujours très confidentiel au Danemark, et même en Scandinavie, c'est à l'international que Hannibal va réellement faire son chemin. Notamment via l'omnipotente Redbull Music Academy, qui l'engage en tant que professeur durant plusieurs sessions (où il enregistre notamment des morceaux avec Hudson Mohawke, Julian Gomez ou B.Bravo, alors candidats).

 "Je suis autant inspiré par les nouveautés que par les morceaux plus anciens. Regarder à l'horizon sans oublier de jeter un petit coup d’œil dans le rétroviseur. C'est très important pour moi."
R.Hannibal

Entre 2007 et 2009, alors qu'il se réinstalle au Danemark, il enregistre un autre album jamais paru, l'excellentissime "Sounds Of Chance" du trio Non + (qu'il forme avec ses amis Vindahl et Tuco), parfait melting pot Pop/Funk raffiné, qui aurait pourtant conquis les esprits et les ondes sans grande difficulté. Malgré ces quelques déceptions, il s’atèle sans sourciller à quelques productions pour le second album du collectif Boom Clap Bachelors (le magnifique "Kort For Dine Laeber", Music For Dreams, 2008) ainsi qu'à son projet Quadron, duo avec la pulpeuse et gracieuse Coco, qu'il annonce alors comme du Womack & Womack des années 2000. Leur premier titre, "Come You Can Go" (Compilation "New Worlds", Circulations, 2008), sonne comme l'un des plus beaux morceaux beat post-Jay Dee jamais entendu. Leur album éponyme, un temps sorti uniquement au Danemark en 2009 puis réédité quelques mois plus tard chez Plug Research, est quant à lui une leçon de Soul Music aux textes sensibles et à la production extrêmement soignée qui obtient aussi une belle reconnaissance.Grâce notamment à un parfait croisement entre sonorités old school et plus modernes. Il se lie ensuite à une autre Coco, la néo-zélandaise Coco Solid, pour le projet Parallel Dance Ensemble, où il laisse libre court à ses velléités discoïdes et remuantes, entre Disco, Freestyle et Funk, comme en témoignent les excellents EP's "Pizza Turtle Cadillac" (ISM, 2009) et "Possessions & Obsessions" (Permanent Vacation, 2011).

Toujours habitué à travailler pour des voix différentes de la sienne, il livre en 2010, alors qu'il navigue entre Copenhague et Los Angeles, son premier EP solo sous le nom de Bobby. Un temps sorti par le label japonais Circulations, puis réédité également par les californiens de Plug Research un an plus tard, cet opus audacieux dévoile une musique plus personnelle et inventive, mais toujours aussi accrocheuse et atypique, servie par sa voix, gracile et touchante, et un song-writting délicat .

Alors que ses productions gagnent toujours en richesse et en finesse, il s'installe par la suite à Los Angeles, ville qui semble être le lieu de toutes les rencontres pour lui. Outre le fait d'établir ses quartiers dans le mythique Paramount Studio (où enregistre la crème de la crème des musiciens américains), il enchaîne en effet depuis les projets et duo, notamment une rencontre de haut vole avec l'éminent Leon Ware ( mythique producteur de Marvin Gaye et Michael Jackson et auteur du classique "Musical Massage" en 1976). En résulte un EP sorti sur le label de Mathieu Schreyer, Quieres Chicle, "Orchids For The Sun", apologie de la Soul sensuelle et ensoleillée. Toujours sur ledit label, il fait équipe avec Orféo, troublant chanteur à la formation classique et à la voix angélique, pour un EP grisant, "S/T". Il rencontre également le lumineux duo The Internet le temps de quelques morceaux parus sur le Bonus EP de leur album "Purple Naked Ladies" et produit un irrésistible single pour Szjerdene ("Lead The Way", Plug Research, 2011), sans oublier de faire chanter sa petite amie de l'époque, la belle Louie, pour deux titres succulents ("Dirty Secrets" et "Female Sensitivity") l'an passé. Et, enfin, crée le duo Rhye en compagnie du fascinant et vibrant chanteur Milosh, à la voix androgyne et prodigieuse, pour un premier EP, "Open", chez Innovative Leisure.

"J'aime les chansons à la fois bien écrites et bien produites. Il y a énormément de possibilités quand tu veux composer un morceau, mais c'est cet équilibre entre les deux qui m'inspire le plus et qui est le plus important à mon sens. Quelque soit le style de musique."
R.Hannibal

2013 est quant à elle une année extrêmement chargée pour l'exigeant néo-californien, et pour l'heure le point culminent de sa jeune mais remarquable carrière. Il s'est ainsi permis le luxe de produire deux des plus beaux albums que l'on ait pu entendre en 12 mois; "Avalanche", de Quadron, et "Woman" de Rhye. Pépites de Pop/Soul sophistiquée et envoûtante, ces deux opus reflètent toute l'évolution du producteur, qui déclare à ce sujet; "Ces deux albums sont assez différents, car je m'adapte toujours à la voix du chanteur ou de la chanteuse avec qui je travaille. Ils se rejoignent cependant dans le sens où j'ai voulu y inclure plus de musicalité et des arrangements plus complexes et avancés, en me préoccupant moins de la programmation. Même si je n'aime pas forcément les productions trop riches et démonstratives.  J'ai donc également cherché une simplicité et une légèreté musicale qui me tient à cœur. D'autant plus que je les ai enregistré avec les mêmes musiciens." Avec, à la clé, une reconnaissance et un engouement médiatique bien mérités. Il sort également dans la foulé, l'air de rien, deux sublimes singles chez Quieres Chicle, "More Than Just a Friend" (titre à l'origine présent sur une compilation de la RBMA sous le nom de "Rocking All Night" parue 2010) en et surtout "Tame The Shrew". Ce qui n'arrête en rien sa productivité, car même si on ne sait pas encore de quoi son avenir sera fait, le principal intéressé nous dit en souriant; "Ces derniers mois, j'ai travaillé avec une tonne d'artistes différents pour des projets qui devraient voir le jour rapidement. Mais pour ne pas porter la poisse, je ne citerais pas de nom". 

Outre le fait d’apparaître clairement comme l'un des meilleurs producteurs de sa génération et accessoirement comme l'homme de cette année 2013, il est le parfait exemple du talent brut passant de la production faite-maison aux plus prestigieux studios américains. Hannibal est ainsi l’archétype de l'artiste moderne, ouvert et sans limite, s'émancipant de tout carcan. Un temps mésestimé puis finalement adulé. De l'ombre à la lumière.

Artwork par Pierre Thyss.

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